Vivre du sport motorisé, c’est possible ?

Confucius a dit dernièrement sur Facebook : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. ».

(On va avoir les « nerds » qui vont me dire que Confucius n’avait pas internet !)
Combien de personnes qui me lisent n’ont pas dit un jour : « Si je pouvais travailler dans le milieu du motocross ! »

Un autre qui n’avait pas internet a dit : « Il y aura beaucoup d’appelés, mais peu d’élus ! ». Je pense surtout à la compétition, ou à un métier sur ton engin, que ce soit une moto, un quad ou une motoneige. J’avoue que je fais partie des élus. Je ne parle pas du conseil municipal de Yamachiche, mais bien de la profession que j’exerce.

J’ai commencé la moto à 9 ans. Dès ma première course je me suis cassé la jambe et une ambulancière m’a dit que le motocross, c’était fini pour moi.

Premier conseil, il faut s’accrocher.

Ce n’est pas facile tous les jours. Vingt fractures ou commotions et 27 ans plus tard, je suis toujours là. Toujours sur la moto.

Qui aurait cru que je gagnerai le FMX au Supercross d’Athènes en Grèce, aux Bermudes, à Genève, en Allemagne, en Autriche, en Californie, au Mexique, que je participerai aux X-Games à Philadelphie ou à San Antonio. Sans parler de mes victoires au Stade Olympique devant mon public, 40 000 personnes !

Deuxième conseil, il faut viser haut, loin et ne pas hésiter à sortir des frontières.

Pour durer, je n’ai pas fait que du FMX. J’ai produit trois films de motocross, organisé des événements, démarré l’Académie Ben Milot (vous pouvez vous inscrire ici), fait des chroniques radio, produit la série télé « Milot Land » à Z. J’ai également créé le Milot Land Tour, une tournée de Freestyle qui se déplace dans tout le pays. J’ai aussi la chance de jouer un des personnages principaux en moto dans un spectacle de Franco Dragone à Macao, The House of Dancing Water, depuis 7 ans.

Troisième conseil, il faut se diversifier pour trouver des budgets et du chiffre d’affaires.

Quand tu as eu vingt fractures ou commotions, tu as passé du temps dans un lit et tu ne pouvais pas bouger. Ça veut dire qu’il faut des personnes autour de toi pour te soutenir et s’occuper des affaires courantes. J’ai la chance d’avoir ma famille autour de moi et des vrais ami(e)s. Tu ne peux pas réussir seul. Cet entourage, il faut lui être reconnaissant, le remercier, lui faire partager aussi les bons moments, les victoires. Ce n’est pas une obligation pour eux de te supporter. Simplement leur dire « Merci d’être là ».

Quatrième conseil, il faut s’entourer et avoir des personnes qui croient en toi.

Les métiers :

Pilote officiel

La façon la plus réjouissante de gagner sa vie en moto est d’être pilote officiel supporté à l’année par une marque de véhicule ou un team. Au Québec, compte les doigts de ta main droite. Même si tu en as perdu un en coupant ton bois, tu vas avoir l’heure juste.

Le dernier en date c’est Kaven Benoit, double champion canadien de MX, il était pilote officiel KTM et a pu vivre de son sport. Il a maintenant officiellement pris sa retraite des pros, et il entame sa reconversion. Il est toujours sous contrat KTM, comme ambassadeur du sport.
Attention, rouler en pro au Québec ne veut pas dire qu’on en fait son métier. Il y a des bourses pour les 3 ou 5 premiers.

Souvent c’est le montant des engagements pros qui est redonné en payback. Pas de quoi financer une saison. Vérifie les contingences des importateurs motos. Et relis mon article sur les commandites.
Tim Tremblay et Morgan Brodeur sont nos deux meilleurs représentants en snocross. Megan vient de remporter son deuxième titre mondial ISOC, et Tim Tremblay a gagné le sien en 2012, en plus d’avoir une médaille de bronze aux X-Games en 2013. Ils vivent à l’année grâce à leurs contrats liés à la motoneige. Ils ont tous les deux gagné leur classe au Grand-Prix de Valcourt. Ils ont un autre point commun, ils pratiquent tous les deux le motocross l’été, en compétition ou pour se maintenir en forme.

Éve Brodeur, notre 4 fois championne canadienne MX, sait qu’elle ne pourra pas en vivre. Elle va étudier dans le domaine médical. Cela rappelle le parcours de Sara Laliberté il y a quelques années. Ève confirme que même aux États-Unis, ce n’est pas facile pour une femme de vivre du motocross.

En endurocross, Philippe Chainé, le champion expert FMSQ, ne vit pas de son pilotage, même s’il représente depuis plusieurs années le Canada aux ISDE, la course internationale d’enduro. Il travaille 40 heures par semaine, fait du bénévolat pour la FMSQ, en plus des courses.

Mentor, coach

Commence à prouver que tu n’es pas pire sur une moto, et après tu pourras coacher les autres. Le bel exemple au Québec est JSR, Jean Sébastien Roy, multiple champion canadien MX, qui est en charge du mentorat des pilotes, et des jeunes, pour KTM Canada. Tim Tremblay a comme mentor Blair Morgan, 3 fois champion canadien MX, 5 fois médaille d’or aux X-Games en snocross, et plusieurs fois champion du monde snocross. Blair est resté paralysé après une chute au supercross de Montréal en 1998, mais il est toujours présent dans le milieu. Bel exemple de courage et de ténacité.
Mécanicien Factory Racing :

Être mécanicien d’usine, payé par un importateur de moto pour se déplacer sur toutes les courses canadiennes de MX, c’est le rêve qu’a pu vivre Mathieu Deroy, un champion de quad vainqueur des 12 Heures de La Tuque. Son amitié avec Kaven Benoit lui a servi à entrer chez KTM Canada, mais ses connaissances mécaniques sont reconnues. Il avait aussi la confiance de Kaven, et c’est très important en compétition. D’ailleurs il est toujours en poste chez KTM, avec JSR.

Propriétaire de circuit :

La fausse bonne idée si tu veux rouler en motocross : avoir ton propre circuit. Posséder un terrain, c’est s’attendre à de longues heures de travail pour préparer la piste. Tu vas la connaitre par cœur, en tracteur ou sur une machinerie, mais pas sur une moto.

Heureusement, il y a encore des passionnés qui y croient, comme Dan Tibo à Deschambault, Olivier Corbeil et JS Chaps à X-Town, JF Cantin à La Tuque, Simon Lessard à Tring-Jonction, et le héros du mois, Simon Homans à St-Élie, qui vient de gagner un procès contre la ville de Sherbrooke, pour la somme de 116 000$, de quoi remplir les poches… de son avocat.

Dans les affaires

Marco Dubé, multiple champion québécois MX est maintenant importateur de FXR, des bottes Forma et de plusieurs autres marques reliées à la moto.

Guy Giroux, champion d’enduro reconnu, a représenté plusieurs marques de motos. Maintenant c’est Sherco. Loic Leonard, sextuple champion FMSQ a repris l’activité suspensions EVO, ce qui lui permet d’être toujours sur le terrain.

Et si la vérité était ailleurs ?

Parmi ceux qui vont lire ces lignes, 5% vont arriver à vivre de leur passion. Parce qu’ils sont prêts à sacrifier des choses dans leur vie, parce qu’ils vont avoir une volonté de fer, et qu’ils se trouveront au bon moment au bon endroit. J’espère qu’un jour vous direz : « C’est Ben Milot qui m’a motivé. ».

Pour les autres, revenez à la réalité, mais accrochez-vous. Le sport motorisé, c’est avant tout une passion. Qui coûte cher, plus que le scrapbooking et moins que le bateau. Si tu peux avoir des diplômes, des cartes de compétences, un bon travail, tu vas bien gagner ta vie. Tu pourras avoir le bon set-up pour rouler. Au circuit, sur la piste, tu gagneras le respect avec tes résultats, ton esprit, ton attitude, pas avec la grosseur de ton Winnebago.

Pratiqués en pro ou en amateur éclairé, les sports motorisés sont une grande famille où chacun peut faire sa place.

Photo : Andrée-Anne Blais
Texte : François Cominardi
Propulsé par : Brigade web